Alors que le Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahu, a annoncé “mettre en pause” sa controversée réforme de la justice après plus de douze semaines de manifestations, la prudence prévaut au sein des opposants au projet.
La prudence prévaut mardi 28 mars en Israël au lendemain de l’annonce par Benjamin Netanyahu d’une “pause” dans le projet de réforme de la justice qui divise profondément le pays, tout restant encore à faire pour permettre une sortie de crise.
Le Premier ministre “a su transformer avec de jolis mots une défaite cuisante en un match nul”, affirme mardi Nahum Barnea, éditorialiste du quotidien Yediot Aharonot. “Quoi qu’il dise ou dira, peu de gens le croient ; je crois que la confiance en lui n’est pas grande y compris parmi les manifestants de droite venus par milliers hier”, poursuit-il, en référence à une première contre-manifestation tenue lundi soir à Jérusalem par des partisans de la réforme.
Le projet de réforme de la justice est dénoncé dans la rue depuis son annonce début janvier par un des gouvernements les plus à droite qu’ait connu Israël, et a donné naissance à un des plus grands mouvements de mobilisation populaire du pays.
Pour le gouvernement de Benjamin Netanyahu, la réforme vise à rééquilibrer les pouvoirs en diminuant les prérogatives de la Cour suprême, que l’exécutif juge politisée, au profit du Parlement. Ses détracteurs estiment au contraire que la réforme risque d’entraîner une dérive illibérale ou autoritaire et insistent sur l’ampleur des manifestations contre la réforme depuis des semaines.
Une “chance à un vrai dialogue”
Après une journée d’intensification de la contestation et l’apparition de tensions au sein de la majorité, Benjamin Netanyahu a annoncé dans un discours lundi soir avoir “décidé d’une pause” dans l’examen du projet afin de donner “une chance à un vrai dialogue” en vue de faire adopter un texte plus consensuel lors de la session parlementaire d’été devant s’ouvrir le 30 avril.
Des dizaines de milliers d’Israéliens étaient descendus dans les rues dimanche soir et lundi après l’annonce dimanche du limogeage du ministre de la Défense Yoav Gallant, qui avait exigé la veille le gel de la réforme face à un important mouvement de réservistes refusant de s’acquitter de leurs obligations militaires.
Lundi, le président israélien Isaac Herzog avait appelé à “stopper immédiatement” la législation sur cette réforme.
Réagissant rapidement à l’annonce de Benjamin Netanyahu, les deux principaux dirigeants de l’opposition, les centristes Yaïr lapid et Benny Gantz ont dit être prêts à discuter avec le gouvernement, mais sous l’égide du président, tout en mettant en garde le gouvernement contre toute duperie.
“Mieux vaut tard que jamais”, a ainsi déclaré Benny Gantz. “Nous nous présenterons immédiatement à la résidence du président, la main tendue”, a-t-il ajouté, en enjoignant Benjamin Netanyahu “à cesser les menaces” et à envoyer une équipe chez Isaac Herzog.
Mardi, les commentateurs politiques étaient sceptiques sur les intentions de Benjamin Netanyahu.
Une milice sous l’autorité d’Itamar Ben Gvir
Son discours avait suivi de longues négociations avec ses partenaires d’extrême droite, notamment le ministre de la Sécurité intérieure Itamar Ben Gvir, qui, selon la presse, avait menacé de quitter le gouvernement en cas de pause dans la réforme.
Le parti de Itamar Ben Gvir a annoncé avant la déclaration de Benjamin Netanyahu la signature d’un accord entre les deux hommes, accordant au ministre de nouvelles prérogatives, notamment la création d’une “garde nationale” civile sous son autorité, dont les détails n’ont pas été communiqués.
“C’est une victoire pour les protestataires mais celui qui a vraiment fait plier Netanyahu et l’a piétiné c’est Itamar Ben Gvir […] il a obtenu de lui une promesse scandaleuse : la création d’une milice qui sera sous ses ordres”, dénonce mardi Yossi Verter, le correspondant politique de Haaretz, en première page du quotidien de gauche.
Autre ténor du gouvernement, le ministre des Finances, Betzalel Smotrich, à la tête du parti d’extrême droite Sionisme religieux, a assuré lundi après le discours de Benjamin Netanyahu que “la réforme [allait] avancer et les changements nécessaires dans le système judiciaire et la démocratie israélienne advenir”.
Un des collectifs à l’origine des manifestations contre la réforme a annoncé la poursuite de la contestation “tant que le coup d’état judiciaire n’est pas totalement stoppé”.
Deux sondages diffusés lundi soir sur des télévisions israéliennes montrent une perte de confiance dans le parti Likoud de Benjamin Netanyahu, qui perdrait 7 sièges en cas d’élections alors que la coalition au pouvoir ne dispose que d’une faible majorité au Parlement, avec 64 députés (sur 120).
Joe Biden s’est à son tour exprimé sur le sujet mardi. “Ils ne peuvent pas continuer sur cette voie et je pense que je me suis fait comprendre”, a dit le président américain en marge d’une visite en Caroline du Nord. “J’espère qu’ils y renonceront”, a-t-il encore affirmé plus tard à propos du texte de loi, une fois de retour à Washington.
Interrogé sur le fait de savoir si la démocratie israélienne était à un tournant, Joe Biden a assuré : “C’est une situation difficile et ils doivent trouver une solution.” Il a aussi précisé n’avoir pas prévu d’inviter “à court terme” Benjamin Netanyahu à la Maison Blanche.
Source: France24